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enlarging / separating borders (tentative) - score 4

corps corps corps fantôme - bordures de corps dures et molles


dessin étude d'humeur vitrée (2020) - lisanne goodhue

extrait de chanson 'Im looking through you' - The Beatles: Interprétation & paroles, UK 1965



 

soudainement pour l'internaute, tout devient limpide:

 

* le texte suivant a été rédigé pour 'Karaoké' (2020), ma thèse de Maîtrise au Master exerce, ICI-CCN Montpellier, Université Paul-Valéry, Montpellier. Les éléments et pratiques nommées font partie des bases de création pour 'closure'.

 


CORPS SPECTRAUX - pratique physique



Après la comptine chantée de menocare en 2019, et après le coup d’amour que j’ai eu pour la chanteuse Karen Dalton et sa Katie, la chanson pop a confirmé sa place dans ma recherche chorégraphique.


Avec mon intérêt pour l’invisible, If I was where I would be Then I'd be where I am not Here I am where I must be Where I would be, I can not est venu hanter mon temps en studio.


Ce refrain est devenu un symbole fort pour le développement de ma pratique ‘corps spectraux’.



Description - Mise en espace de plusieurs “enveloppes spectrales”, ou moules de corps. Je les “vois” flotter dans l’espace devant moi, et je les “laisse” aussi derrière moi. J’entre et je ressors physiquement de ces moules. L’attitude générale du corps y est piétonne, plus proche de la marche vue dans la rue. Peu à peu, cette marche évolue, je “laisse” certaines parties de mon corps dans l’espace que je quitte. Ainsi, je peux laisser un côté de poignet derrière, un bout de mon os iliaque gauche derrière, ou le voir flottant devant moi. C’est ce qui me fait claudiquer, ou du moins, ce qui désaxe ma verticalité. Dans l’accentuation de ce désalignement de la verticale se trouve l’appel pour le mouvement plus abstrait, dansé.


L’action d’observer l’espace qui m’est extérieur se miroite vers mon intérieur; l’extérieur me renvoie vers mon intérieur, et j’observe à quel endroit la séparation entre les deux entités se fait. Mon regard se porte vers l’extérieur, je vois l’espace qui semble vide, où se dessinera ma danse. Mon regard se tourne vers l’intérieur, celui qui génère ma danse. L’espace est déjà rempli et je l’accueille à travers mes enveloppes de corps.



La peau et les yeux comme frontières, bordures, membranes,

interfaces entre le monde extérieur et intérieur.



Ces spectres de corps sont peut-être plus nombreux que je ne le pense.


J’ai laissé un spectre de moi dans mon lit ce matin. Cet homme au chapeau et à la barbe usée à l’entrée du Carrefour City (épicerie en France), visible par les barreaux de fenêtres de la Chambre d’écho, peut-être converse-t-il avec le même spectre que ce celui avec lequel l’homme au panier d’épicerie à Tel-Aviv parlait, pendant que Uri et moi répétitions au soleil couchant l’été dernier.


Corps spectral, c’est un peu une façon d’attraper au passage les formes exponentielles de mon corps. Laisser mes pelures du passé et du futur flotter dans l’espace. Entrer dans un moule de moi et en ressortir, le laisser s’évaporer.


En général, la pratique du corps spectral engage un regard de dissociation extrême, où je fixe l’espace entre les gens et les choses, où dévisage les “moi” potentiels et multiples.


Cette pratique me donne une conscience de la trace que mon corps est en train de laisser au passé, au moment même où je l’habite. C’est constamment le présent qui se voit là-bas dans le futur et qui réalise le passé qu’il est en train de sculpter. C’est une nano-seconde de réalité amplifiée et disséquée au millième de couches.


j’habite la forme et la forme m’habite


Cela me prend une bonne minute après avoir entrepris la pratique corps spectral en studio que je réalise que la première trace laissée était en fait moi assise quelques minutes plus tôt sur cette chaise en train d’écrire ce texte. Or was it?


Corps spectral c’est peut-être une manière de constater les empreintes que nous laissons dans les espaces que nous habitons. À force d’habiter, nous devons nécessairement y laisser une trace, non? Sur les objets, la chaise de bureau, cette tasse qui nous a échappé des mains, cette poignée de porte (sanitarisée à l’extrême durant la pandémie, un efface-trace!), ce ménage fait.


C’est peut-être aussi un moyen de percevoir les enveloppes des traces que nous laissons sur les gens: la personne qui nous a touché dans la rue avec sa barbe usée, le chien que nous avons cajolé, l’amour que nous aimons, l’amour que nous avons quitté, la mère, le père, l’enfant que nous avons embrassé.


Constamment, nous traçons, et nous sommes tracés.


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